Décembre 2015 – La nouvelle forme des notifications en matière de bail commercial

La loi Pinel du 18 juin 2014 avait réformé l’article L.145-9 du Code de commerce concernant les congés, pour permettre qu’ils soient donnés par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Cette nouvelle disposition avait inquiété les locataires.

En effet, le congé est un acte grave, notamment lorsqu’il s’agit, à l’initiative du bailleur, d’un congé comportant refus de renouvellement du bail commercial, voire refus de toute indemnité d’éviction. On peut craindre qu’une lettre recommandée n’attire pas suffisamment l’attention du destinataire de l’acte, ne parvienne pas nécessairement à son destinataire ou soit égarée, alors que le locataire a l’obligation d’agir dans le délai de prescription de deux ans, sous peine de perdre son droit au bail et son fonds de commerce.

La loi Macron du 6 août 2015 réforme à nouveau les textes. Elle poursuit un double objectif. D’une part, revenir sur la forme obligatoire de l’acte extrajudiciaire pour les congés signifiés par les bailleurs, compte tenu de la gravité de l’acte. Mais d’autre part, simplifier les notifications et étendre le domaine de la lettre recommandée, principalement pour les actes signifiés par les locataires, mais aussi pour certaines notifications des bailleurs.

Compte tenu de ces réformes successives et contradictoires, il paraît nécessaire de faire le point de la forme des différents actes susceptibles d’être notifiés dans le cadre d’un bail commercial.

– LE CONGÉ DU LOCATAIRE : Les nouveaux textes comportent deux dispositions différentes.

A – LE CONGÉ TRIENNAL : L’article L.145-4 du Code de commerce précise désormais que « le preneur a la faculté de donner congé à l’expiration d’une période triennale, au moins six mois à l’avance, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par acte extrajudiciaire ».  Ainsi, le congé triennal du locataire peut être valablement donné par lettre recommandée. Le texte précise que les baux conclus pour plus de neuf ans, les baux de locaux monovalents, les baux de bureaux et ceux des locaux de stockage peuvent comporter des stipulations contraires. Est-ce à dire que le propriétaire pourrait imposer au locataire, dans une clause du contrat de bail, l’usage de l’acte extrajudiciaire ? La réponse est probablement négative car la jurisprudence avait déjà décidé, sous l’ancienne rédaction, que les stipulations contraires autorisées par le texte ne concernaient pas la forme du congé. Ainsi, les clauses des baux permettant au locataire de donner congé par lettre recommandée, alors qu’à l’époque le texte imposait l’acte d’huissier, ont été jugées nulles, bien que le texte réservât les conventions contraires[1]. Par ailleurs, le nouveau texte permet également de s’interroger sur la validité des clauses stipulant un préavis supérieur à six mois. Ne sont-elles pas désormais réputées non écrites ? L’article L.145-4 est en effet d’ordre public.

B – LE CONGÉ EN FIN DE BAIL :

L’article L.145-4 du Code de commerce ne concerne que le congé « à l’expiration d’une période triennale ». L’article L.145-9 du Code de commerce, concernant tous les congés en général, précise quant à lui, qu’il doit être signifié par acte extrajudiciaire. Cette disposition concerne certainement le congé signifié par le bailleur. Mais que faut-il penser du congé signifié par le locataire pour le terme de son bail ?r Si le terme du bail correspond à l’expiration d’une période triennale, c’est-à-dire s’il s’agit d’un bail de neuf ans ou de douze ans, les dispositions de l’article L.145-4 devraient l’emporter. Le locataire pourra donner son congé par lettre recommandée pour l’expiration de la troisième période triennale, voire de la quatrième période triennale. De la même façon, si un bail se poursuit par tacite prolongation, le preneur peut toujours donner congé par lettre recommandée s’il choisit de partir au terme d’une période triennale.

Mais lorsque la date d’échéance du bail ne correspond pas à l’expiration d’une période triennale, l’article L.145-4 n’est alors manifestement pas applicable. Par conséquent, le locataire doit, dans ce cas, donner congé par acte extrajudiciaire conformément à l’article L.145-9.rnrn Ce sera le cas pour un bail conclu pour dix ans : le terme du bail, la dixième année, ne correspond pas à l’expiration d’une période triennale. Ce sera également le cas dans l’hypothèse d’une tacite prolongation, si le preneur veut donner congé sans attendre le terme d’une période triennale, ce qu’il peut parfaitement faire[2]. Dans ces hypothèses, l’acte d’huissier reste obligatoire, compte tenu de la rédaction des textes. La volonté du législateur s’est mal exprimée, car le gouvernement ne voulait certainement pas organiser une dualité de régime pour la forme des congés du locataire, ce qui, loin de simplifier les règles, les complique.

– LE CONGÉ DU BAILLEUR :

Qu’il s’agisse d’un congé triennal pour démolir et reconstruire ou d’un congé en fin de bail, le congé donné par le bailleur doit toujours être signifié par acte extrajudiciaire.

– LA DEMANDE DE RENOUVELLEMENT DU LOCATAIRE :

L’article L.145-10 du code de commerce précise désormais que le locataire peut former sa demande de renouvellement « par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ».

IV – LA RÉPONSE DU BAILLEUR À LA DEMANDE DE RENOUVELLEMENT

En revanche, lorsque le bailleur répond à une demande de renouvellement pour refuser le renouvellement, il doit le faire par acte extrajudiciaire. L’article L.145-10 du Code de commerce dispose : « Dans les trois mois de la notification de la demande en renouvellement, le bailleur doit, par acte extrajudiciaire, faire connaître au demandeur s’il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus.  A défaut d’avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent.

L’acte extrajudiciaire notifiant le refus de renouvellement doit, à peine de nullité, indiquer que le locataire qui entend, soit contester le refus de renouvellement, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date à laquelle est signifié le refus de renouvellement ». En revanche, le bailleur qui répond à la demande de renouvellement pour accepter le renouvellement et pour demander une augmentation de loyer, peut le faire par lettre recommandée. Certes, l’article L.145-11 du Code de commerce renvoie à « la réponse à la demande de renouvellement prévue à l’article L.145-10 », lequel n’envisage que la réponse comportant un refus de renouvellement, qui doit être faite par acte extrajudiciaire, mais l’article L.145-10 n’imposant expressément l’acte d’huissier que pour le refus de renouvellement, on ne voit pas ce qui empêcherait de demander un nouveau prix par simple lettre recommandée. D’ailleurs, l’article R.145-1 du Code de commerce, concernant la demande de modification de prix, envisage expressément la lettre recommandée avec demande d’avis de réception ;

V – LA NOTIFICATION DE REPENTIR DU BAILLEUR :

Le dernier alinéa de l’article L.145-12 du Code de commerce dispose désormais :rn rn« Toutefois, lorsque le bailleur a notifié, soit par un congé, soit par un refus de renouvellement, son intention de ne pas renouveler le bail, et si, par la suite, il décide de le renouveler, le nouveau bail prend effet à partir du jour où cette acceptation a été notifiée au locataire par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ». Le droit de repentir du bailleur peut donc être notifié, soit par acte d’huissier, soit par lettre recommandée. On rappellera que la jurisprudence a admis depuis longtemps que le repentir peut résulter d’autres formalités, manifestant sans ambiguïté la volonté du bailleur de renoncer au refus de renouvellement[3].

VI – LES AUTRES NOTIFICATIONS DU LOCATAIRE :

La loi Macron a généralisé l’usage de la lettre recommandée pour le locataire. Les textes suivants ont été modifiés. ) L’acceptation d’un local de remplacement en cas de congé pour construire ou reconstruire. L’article L.145-18 du Code de commerce traite du congé du bailleur pour démolir ou reconstruire. On sait que le bailleur peut se soustraire au paiement de l’indemnité d’éviction, ou plus précisément réduire notablement le montant de l’indemnité, en offrant au locataire évincé un local équivalent.

Le nouveau texte dispose que le locataire peut alors répondre par lettre recommandée : « Lorsque le bailleur invoque le bénéfice du présent article, il doit, dans l’acte de refus de renouvellement ou dans le congé, viser les dispositions de l’alinéa 3 et préciser les nouvelles conditions de location. Le locataire doit, dans un délai de trois mois, soit faire connaître par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception son acceptation, soit saisir la juridiction compétente dans les conditions prévues à l’article L. 145-58 ». )

Le droit de priorité du locataire en cas de reconstruction de l’immeuble. Après un refus de renouvellement, en cas de reconstruction de l’immeuble, le locataire bénéficie d’un droit de priorité pour louer dans l’immeuble reconstruit, conformément à l’articlernL.145-17, dernier alinéa, du Code de commerce. L’article L.145-19 prévoit une faculté de notification par lettre recommandée : « Pour bénéficier du droit de priorité prévu à l’article L. 145-17, le locataire doit, en quittant les lieux ou, au plus tard dans les trois mois qui suivent, notifier sa volonté d’en user au propriétaire, par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, en lui faisant connaître son nouveau domicile ; il doit notifier de même, sous peine de déchéance, tout nouveau changement de domicile ». Le propriétaire peut également utiliser la lettre recommandée pour prévenir le locataire qu’il envisage de louer ou d’occuper lui-même, le deuxième alinéa de l’article L.145-19 permettant au propriétaire d’aviser le locataire « de la même manière » : « Le propriétaire qui a reçu une telle notification doit, avant de louer ou d’occuper lui-même un nouveau local, aviser de la même manière le locataire qu’il est prêt à lui consentir un nouveau bail.

A défaut d’accord entre les parties sur les conditions de ce bail, celles-ci sont déterminées selon la procédure prévue à l’article L. 145-56 ».) La déspécialisation, Les notifications du preneur en matière de déspécialisation peuvent être faites désormais par lettre recommandée s’agit d’abord de la demande de déspécialisation partielle prévue à l’article L.145-57. Lorsque le preneur veut adjoindre les activités connexes ou complémentaires « il doit faire connaître son intention au propriétaire par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ». En va de même pour la déspécialisation plénière, c’est-à-dire lorsque le locataire veut exercer des activités différentes de celles prévues au bail. L’article L.145-49 précise que la demande faite au bailleur « est formée par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ».

Le locataire doit dénoncer sa demande aux créanciers inscrits, également par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée. L’usage de la lettre recommandée dans de tels cas pouvait prêter à discussion, car les effets de la notification sont graves et les délais brefs. Ainsi, le texte oblige le bailleur à répondre dans les trois mois de la notification, faute de quoi il est réputé avoir acquiescé à la demande de déspécialisation.

On aurait pu considérer que le maintien de l’acte d’huissier se justifiait, s’agissant d’une notification susceptible d’avoir des conséquences importantes pour le propriétaire. Enfin, lorsque le locataire renonce à une demande de notification, il peut utiliser la lettre recommandée, comme prévu à l’article L.145-55 du Code de commerce.

——————————————————————————————————————[1] Cass. 3e civ. 30 mai 1996, Administrer juillet 1997, p. 29, note J.-D. Barbier  ; Cass. 3e civ. 10 novembre 1999, Gaz. Pal. 2000, somm. p. 1192, note J.-D. Barbier. [2] Cass. 3e civ. 12 mars 2002, Administrer octobre 2002, p. 20, note J.-D. Barbier ; Brault et Barbier, Le Statut des baux commerciaux, Gaz. Pal. éd. 2009, p. 50.rnrn[3] Voir Jurisclasseur, fasc. 1345, n° 74.

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